Shoah
De: Claude Lanzmann
Avec: différents témoins juifs, polonais, allemands,...
Pays: France
Année: 1985
Synopsis
Claude Lanzmann fait revivre le voyage des Juifs européens vers la mort au cours de la dernière guerre. Pas une image d'archives, pas une ligne de commentaire: un film d'histoire au présent.
Avis
Documentaire revenant sur l'exportation des Juifs et leur mise à mort qui se divise en deux grosses parties que Lanzmann appelle deux époques. La première époque est celle de l'expulsion de leurs demeures, la privation de leurs biens et la mort à travers les exécutions dans des fosses ou des camions. La seconde époque est celle de l'industrialisation de la mort avec l'avènement des chambres à gaz et l'insurrection du ghetto de Varsovie.
Ce documentaire ne reprend aucune images d'archives. Pas de vue d'exécutions, de rafles, de chambres à gaz. On utilise uniquement des images filmées sur le moment du documentaire et les témoignages des différentes personnes interviewées: habitants polonais et rescapés juifs pour la plupart, mais également anciens gardiens nazis de camps ou le responsable des chemins de fer allemands sous le Troisième Reich.
Les témoignages sont d'ailleurs réellement impressionnants et sont tous intéressants. Certains sont mêmes choquants et émouvants. Il est difficile de se contenir face au témoignage de Filip Müller (ou comme son nom ne l'indique pas, il s'agit d'un Juif tchèque. L'explication réside dans le fait que dans les siècles précédents, beaucoup d'Allemands ont émigré en Tchécoslovaquie) ou encore dans les propos tenus par cet ancien résistant polonais, Jan Karski. Bref, au niveau de la qualité des témoignages et pour leur apport, l'oeuvre est réellement remarquable de ce point de vue. Cela réflète bien l'ambiance qui pouvait exister malheureusement durant le conflit, la mentalité des gens, la souffrance vécue par les Juifs, mais également la vision des choses des Allemands.
C'est peut-être dans la manière dont sont réalisés certains témoignages que j'ai plus de mal et par les méthodes utilisées par Claude Lanzmann. Il existe chez ce dernier un tel sentiment de revanche et de haine vis-à-vis des Allemands que cela se ressent très fort lorsqu'il va chercher des témoignages d'anciens gardes. Je ne lui reproche pas cela, il est difficile voire impossible en tant que Juif et en ayant vécu le conflit (Lanzmann est un ancien résistant) d'avoir un regard neutre d'une part et surtout le recul nécessaire. Quand il interroge d'anciens dignitaires nazis ou des gardes SS, il fait tout pour qu'ils soient montrés comme des menteurs et des monstres. Lanzmann semble par exemple très surpris que le grand chef des opérations des trains ne sache pas que Treblinka ou Auschwitz étaient des camps de la mort. Pour ce dernier, c'était des camps de concentration, mais on n'y perpétrait pas le massacre à grande échelle. Il semble également surpris qu'un garde SS puisse avoir un sentiment de tristesse et de dégoût face au massacre des Juifs lorsqu'il voit cela pour la première fois.
Dans les deux cas, cela ne semblait pas étonnant. Pour les camps d'extermination, il me semble normal que les grands responsables aient voulu cachés cela et que ce soit tenu secret, même pour la plus grande partie de la population allemande. Cela évite les fuites. Ensuite, oui, un homme, quel qu'il soit, est capable de ressentir des émotions. Lanzmann utilise d'ailleurs la ruse pour obtenir des informations. Il promet par exemple à un Allemand qu'il tiendra son nom secret et au même instant, il fait inscrire sur l'écran le nom de cette personne... Méthode malhonnête et assez pitoyable qui prouve que Lanzmann n'a que faire de sa parole donnée à un ancien SS allemand. Difficile de ressentir chez le documentariste qu'il considère les Allemands comme des hommes. Il prouve aussi qu'il s'abaisse en quelque sorte à leur niveau et en m'étant un peu renseigné, Lanzmann possède des positions extrémistes et dans son soutien à l'état d'Israël.
Je n'aime pas non plus quand il pousse absolument un rescapé juif à aller au bout dans son témoignage alors que celui-ci est en larmes, demande à tout prix qu'on arrête car ça lui est trop pénible. Lanzmann vient en décidant que c'est absolument nécessaire (ce qui n'est pas faux non plus, mais les larmes de l'homme valent parfois tous les discours du monde...). J'ai franchement beaucoup de mal avec Lanzmann dont l'aura est fort présente dans l'oeuvre.
Je trouve aussi que 9h30 avec uniquement des commentaires et des images du présent, c'est trop long. Je trouve ça assez remarquable comme distanciation car montrer Treblinka et Auschwitz comme ils sont aujourd'hui tout en tenant les discours de ce qu'on faisait par le passé, ça permet surtout de comprendre sans montrer l'horreur.
Au final, par rapport à son statut d'oeuvre culte, je suis un peu déçu de Shoah. L'oeuvre vaut bien sur pour l'incroyable mine d'informations et de témoignages de l'horreur vécue par les Juifs pendant des années et par les témoignages offerts par les Allemands. Mais je n'aime pas Lanzmann et il est trop présent dans le documentaire pour que je puisse passer outre certaines choses ou méthodes qu'il a utilisé.Ca reste une oeuvre très correcte et intéressante. Mais ce n'est pas le sommet en matière de documentaires.
Note: 3.5/5