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La culture sous toutes ses formes
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6 novembre 2012

Europa

Europa

De: Lars von Trier

Avec: Jean-Marc Barr, Barbara Sukowa, Ernst-Hugo Jaregard, Eddie Constantine, Udo Kier, Jørgen Reenberg, Lars von Trier, Caecilia Holbek Trier, János Herskó, Eric Mørk, Henning Jensen,...

Pays:

Allemagne, Danemark, France, Suède, Suisse http://www.protour.fr/images/drapeau_danemark.gif drapeau Suède Image

Année: 1990

Synopsis

Leopold Kessler, jeune Américain d'origine allemande, part pour l'Allemagne en octobre 1945. Il veut contribuer à la reconstruction du Vieux Continent et va découvrir l'amour et ses propres contradictions dans une Allemagne déchirée et détruite.

Avis

Il existe pour moi énormément de différence entre le Lars von Trier des années 90 et celui des années 2000-2010. Si Antichrist et Melancholia démontrait à coup de massue que les êtres humains, c'est le mal et qu'ils méritent de disparaitre, Europa se montre nettement plus nuancé sur le sujet.

Deux éléments se font d'entrée remarquer. L'utilisation surprenante de cette voix off et l'esthétisme du film. Je reviendrai un peu plus loin sur le premier point, mais attaquons d'abord la mise en scène. Pour moi, elle est simplement réussie dans de nombreux cas, sauf dans cette volonté de von Trier d'appuyer l'émotion sur certaines séquences. Le noir et blanc est remarquablement utilisé et chaque scène ou presque est une oeuvre d'art. Je reste par contre beaucoup plus perplexe sur cette utilisation de la couleur pour appuyer l'émotion, constamment. De plus, je trouve que le noir et blanc perd en charme en utilisant cette couleur. C'est assez maladroit et cela manque de maturité.

Passons donc au fond du film qui nous envoie dans une Allemagne en pleine reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, où des fanatiques nazis trainent encore pour réaliser quelques attentats à droite à gauche. Pour moi, von Trier évoque très bien la situation allemande dans certains cas. Il est assez loin de la propagande américaine ou tout simplement de ce qu'on nous a caché pendant de nombreuses années. Il est évident que les Allemands n'étaient pas tous des Saints. Il suffit de voir le personnage féminin pour s'en rendre compte. Mais l'Europe dans son ensemble est sous la tutelle américaine, qui y implante petit à petit son mode de vie et sa façon de faire, y compris en Allemagne. Le pays a suivi les nazis et a vite compris que la plupart des gens devaient coopérer avec eux. Le patron de la compagnie de trains était-il un monstre en acceptant de convoyer des Juifs vers les camps de la mort? Comment le peuple allemand a-t-il pu laisser faire tant de choses. Mais de manière générale, je pense que les gens vont là où le vent souffle. Au fond, la compagnie Coca-Cola en Allemagne, a pendant les années de guerre, inventé le Fanta pour que les Allemands possèdent également leur boisson symbolique sur le front et dans le pays. C'est également une Europe qui reste traumatisée évidemment par le joug nazi.

Il faut aussi comprendre l'état d'esprit des Allemands quand ils ont mis au pouvoir Hitler. Brimés par l'Europe qui leur a enlevé de nombreux droits à la fin de la 1ère Guerre mondiale, on y voit les Américains réaliser les mêmes choses en détruisant les grues. Comme si les erreurs étaient commises à nouveau. L'Allemagne avait un esprit de revanche très important lorsqu'ils ont mis Hitler au pouvoir et beaucoup ont fermé les yeux sur les dérives nazies après vingt années passées dans la crise. L'erreur veut être évitée et le personnage idéaliste de Kessler veut se rapprocher des Allemands. C'est en se rapprochant et en coopérant que les gens peuvent grandir ensemble. Un semblant d'optimisme chez von Trier qui sera évidemment et malheureusement détruit.

L'oeuvre possède de multiples pistes de lecture, ce qui est assez rare pour être souligné. Le narrateur crée ce personnage de Kessler comme il le tue lui-même. Il permet au spectateur de rentrer dans le film comme d'en sortir. C'est aussi un personnage idéaliste qui est créé, mais son idéalisme disparait face à l'humanité, à la barbarie et à la folie. Il sombre lui-même dans une forme de folie sur la fin de l'oeuvre. Certes, son personnage meurt, mais on peut y voir quelque chose de plus symbolique. C'est l'idéalisme lui-même d'un monde meilleur qui meurt.

Le cinéaste montre également une Europe en reconstruction, avec le train comme lieu d'échange et point central de l'oeuvre. Le train permet le voyage, la rencontre, le rapprochement des gens. C'est un lieu important à la symbolique évidemment très forte. Pour moi, le narrateur agit comme un élément de distanciation. Il nous rappelle constamment qu'on est dans un film. Tout comme certaines séquences où l'on voit plus souvent un décor plat.

Bien entendu, il y a des maladresses de von Trier. Même sur le fond, on peut y voir une forme de pessimisme qui grandira encore plus avec le temps. A ce niveau, le cinéaste est vraiment cohérent. On remarquera aussi que Barr joue un personnage qui est totalement à la solde des autres. Du narrateur, mais également des personnages du film. On est comme happé par cet homme et on s'identifie assez bien à lui. L'oeuvre comporte également quelques longueurs et des séquences un peu trop longues. Par contre, la voix de Max von Sydow est remarquable, elle fait le film presque à lui tout seul.

Note: 3.5/5

 

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